dimanche 21 février 2021

Jehanne, la Délivrance. Editions Peleman. Par Dominique Blumenstihl-Roth

Jehanne, la Délivrance

Par Dominique Blumenstihl-Roth
Editions Peleman (Belgique)
234 pages, ouvrage relié. (2è édition)



Ce livre est dégagé de toute obédience religieuse et ne participe à aucun sectarisme. L'hommage rendu à la Pucelle d'Orléans y dépasse toute forme de récupération, s'adressant à tous, à l'Universel.

Il ne s'agit pas, dans cet ouvrage, de répéter l'énumération des faits historiques connus de tous, mais d'entrer dans le secret même de Jeanne d'Arc : le mystère des voix, la lecture des signes, la mise au point d'une politique centrée sur une relation intime avec les forces de l'Invisible. 
 
L'Histoire, en tant que science, procède par l'étude rationnelle, basée sur les faits visible et se heurte inévitablement à la vérité des êtres qui n'est pas toujours consignée dans les documents.C'est pourquoi l'Histoire n'est pas en mesure de considérer la phénoménologie johannique au-delà de l'anecdote et du simple déroulé des faits. Dans ce livre nous avons essayé d'approcher — sans sombrer dans la religiosité médiévale — le phénomène des "voix" : il serait explicable au regard des récentes découvertes en matière de neurologie, et aucunement imputable comme l'ont cru bien des auteurs, à une pathologie. Bien au contraire, ce serait le propre des esprits bien équilibrés, que percevoir les "voix", les signes.
La pensée prophétique ne procède pas autrement que par la connexion de la conscience personnelle à la conscience universelle. Nous avons également tenté de comprendre les enjeux du procès d'inquisition, en cernant la justice inquisitoriale et ses répercussions sur le système judiciaire actuel…
 
La dialectique Jeanne-Cauchon est également analysée, au regard d'une relation systémique structurelle entre le bourreau et sa victime. Enfin, en annexe, l'ouvrage aborde le portrait de quatre femmes dont l'engagement spirituel — et historique — pourrait être qualifié de johannique.
 
Un livre passionnant pour ceux qui veulent plus loin dans leur relation avec Jehanne d'Arc…
 


mercredi 22 février 2017

De Marine Le Pen à Emmanuel Macron : Jeanne d'Arc et la politique…

La fictionnalisation du procès de Jehanne d'Arc
et sa récupération politique.


Conférence de Dominique Blumenstihl-Roth
(Auteur de Jehanne la Délivrance, éd. Peleman, 2013)
dans le cadre du colloque
"DISCOURS, RECITS ET REPRESENTATIONS :
CHRONIQUE JUDICIAIRE ET FICTIONNALISATION DU PROCES
"
10 et 11 mars 2016, Toulouse (France)
Médiathèque José Cabanis, Grand auditorium 1, allée Jacques Chaban-Delmas
BP 55 858, 31506 Toulouse CEDEX 5 Tél : 05 62 27 40 00


Mesdames et messieurs,

Je vous remercie de votre accueil et je remercie les organisateurs de ce colloque d'avoir bien voulu m'inviter à partager avec vous une brève allocution sur le procès de Jeanne d'Arc. Étant dans l'impossibilité matérielle de faire le voyage jusqu'à vous, je remercie très chaleureusement Madame Emeline Jouve d'avoir accepté lire mon texte en mon absence.
Avant tout, je voudrais exprimer ma joie d'être à Toulouse — du moins en esprit —, car mon père a longtemps vécu dans cette ville, il était artiste-peintre et son nom était René Labiste, peut-être certains d'entre vous l'ont connu… Une seconde raison, plus littéraire me lie à Toulouse, je suis en effet un grand "Quichottiste", un lecteur de Don Quichotte. Et comme vous le savez, ce livre a été crypté par Cervantès. C'est un ouvrage où tous les noms propres des personnages et des lieux sont audibles à la fois en castillan et en hébreu ou araméen. C'est une découverte qui a été faite il y a une trentaine d'années par l'écrivain Madame Dominique Aubier, spécialiste de Don Quichotte.
Tout au début du roman, Don Quichotte veut avant tout être adoubé chevalier, il se rend à l'auberge où il rencontre deux jeunes femmes — des filles de joie. Il leur demande de le sacrer chevalier. La première s'appelle "la Molinéra", ce qui s'entend en hébreu "la moul-ner-ra", autrement dit : "la mauvaise lumière d'en face". Don Quichotte veut être sacré chevalier par les forces matérielles, les éléments pragmatiques du réel que représente la meunière. Ensuite il se tourne vers l'autre femme, elle s'appelle "la Tolosa", c'est-à-dire "la Toulouse". Comme elle est en face de l'autre, il faut lire son nom au miroir et inverser le sens et cela donne "asolot", ce qui donne en hébreu le mot qui désigne "les émanations", c'est-à-dire les émanations célestes qui tombent en pluie sur la terre et sur les êtres. Don Quichotte devient donc chevalier, adoublé par deux principes opposés, par l'archétype de la Dualité, de la Gauche et de la Droite.
C'est donc un grand honneur que d'être ici — à distance mais avec vous de tout cœur, au travers de la voix d'Emeline — dans la ville rose qui porte le nom "Asolot - atzilout" et de pouvoir y parler de Jeanne d'Arc qui, à n'en pas douter, était directement sous l'influence de ces émanations célestes. Ce qu'on lui a beaucoup reproché.


I. Le procès de 1431 : une fiction politico-religieuse
De son vivant, au XVème siècle, Jehanne d'Arc était déjà un personnage de légende. Le mythe s'en était emparé, colporté par les moines mendiants, faisant d'elle un être de fiction. À la seule invocation de son nom, explique Anatole France, une sorte de terreur gagnait le camp adverse : il s'agissait pour les Anglais non plus d'affronter une guerrière mais sa fictionnalisation. L'historien pense que cette dimension a été soigneusement calculée, en son temps, par le conseil royal de Charles VII.
Lorsqu'elle fut arrêtée à Compiègne par le Duc du Luxembourg, rapidement, Pierre Cauchon, l'évêque de Beauvais, entreprit d'en obtenir la garde afin de pouvoir instruire un procès qui théoriquement n'aurait jamais dû se trouver sous sa responsabilité. Tordant à sa guise les procédures, exerçant son influence politique sous menace d'excommunication, il obtient que la présumée coupable soit incarcérée à Rouen, capitale de la Normandie anglaise. Commence un long procès de vingt cinq semaines.
C'est grâce aux « Minutes » du procès de 1431 que les historiens ont pu sonder la réalité du personnage et dégager la fiction du fantasme. Ces originaux, miraculeusement préservés de l’outrage du temps, rédigés par les méticuleux juristes du Moyen-Âge, fournissent à l’enquête les principales pièces à conviction. En effet, tout au long du procès, exclusivement à charge et sans avocat, les interrogateurs cherchèrent à obtenir les éléments biographiques pouvant la compromettre. C’est ainsi que les données personnelles de Jehanne sont essentiellement communiquées de sa propre bouche, paroles dûment collationnées, enregistrées sous le sceau de l’authenticité par les préposés au Tribunal.
Nous savons tout sur elle. Jusqu'aux détails les plus intimes. Aussi, écrit l’historien Quichérat, n’est-il pas de femme dans l’histoire de France dont l’existence n’ait été si bien scrutée, ni passée au filtre de l’instruction la plus pointilleuse. Il en ressort avant tout un témoignage déconcertant : celui de la première concernée. Sous les tirs croisés des procureurs, elle dévoile de sa vie ce qui lui paraît dicible, sans fausse pudeur. Ce qui se donne tout au long de ses dépositions, ce n’est donc point une relation vue ou entendue de l’extérieur, une narration transposée à la troisième personne, propos rapportés qui feraient la gloire d’un roman. C’est le portrait même de Jehanne, par elle-même.
Extraordinaire document de travail directement exploitable par des professionnels de la fictionnalisation moderne ! Les répliques, dans ce procès, dont certaines fort célèbres, ne sont pas œuvre d'invention mais « enregistrées » dans le vif de la discussion opposant la Pucelle d'Orléans à ses contradicteurs !

Les péripéties de sa fulgurante épopée sont examinées, égrenées par les enquêteurs, et souvent corrigées par l'accusée qui tient à ce que l’exactitude de sa vie ne tombe dans l’apocryphe. Les lettres écrites, les ordres donnés, les paroles prononcées : elle se souvient de tout. Sa mémoire rigoureuse étonnera les greffiers dont elle reprendra certaines notes en leur signalant leurs erreurs. Son élocution remarquable, pure de toute flagornerie, n’est qu’affirmation du vrai. Appuyée sur une forte présence d’esprit et un contrôle précis de sa sémantique, chacune de ses répliques fait des ravages dans le conformisme social et religieux qui prétend la juger : sa stratégie de défense s’inscrit en rupture avec la chorégraphie politico-religieuse de l'époque. Quel dialoguiste ingénieux aurait jamais conçu un échange entre l'interrogateur, Jean Beaupère et la prévenue ?

Beaupère
La voix à laquelle vous demandez conseil a-t-elle un visage et des yeux ?
Jehanne
Les gens sont pendus quelquefois pour avoir dit la vérité…
Beaupère
Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu ?
Jehanne
Si je n’y suis, qu'Il m’y mette; et si j’y suis, qu'Il m’y tienne !


La fictionnalisation, quant à elle, ne peut que reconstruire une approche de la réalité. Tenter de saisir les personnages, capter la puissance de leur être, cerner une époque à laquelle pourtant nous ne pourrons jamais adhérer pleinement.
Le procès d'Inquisition est ici un procès en sorcellerie. Une fiction en soi, pour nos mentalités modernes. Mais une réalité absolue pour les esprits du XVème siècle dont il n'est pas aisé de comprendre les ressorts intellectuels emprunts de craintes métaphysiques et de superstitions. Il s'agissait d'établir l'identité de la jeune femme. Est-elle une envoyée céleste ou une fille de Satan ? Le débat prêterait à sourire de nos jours, d'autant que le principal reproche qu'on lui fit fut d'avoir porter le pantalon en montant à cheval. Détail dont l'actualité paraît toujours de mise dans certains pays…


II Procès et sur-fictionnalisation du réel
Tout au long du procès, face aux embuscades, aux pièges, aux exténuantes séances de questionnements, la jeune femme marque une résistance intellectuelle supposant un grand équilibre nerveux. Qui, confronté à la violence de l’appareil policier, réussit à maintenir son unité d’esprit ? Il suffit de lire ses réponses. Elles témoignent d’un admirable contrôle de soi. Dirions-nous, aujourd’hui, que la Pucelle était une experte du langage ? L’immédiateté de ses réflexes mentaux est foudroyante. Un sémiologue averti de notre siècle parviendrait-il à décoder les sous-entendus, les implications, le réseau des non-dits des démoniaques interrogatoires ?
Les personnages gravitant autour du procès sont inénarrables. Un régal pour tout auteur de fiction ! Pierre Cauchon, le saint évêque dont on sait par le témoignage des greffiers qu'il fit percer un trou dans la muraille pour lorgner la jeune femme ; Jean Lemaître, l'interrogateur qui finit par prendre la fuite devant les incertitudes soulevées ; Loyseleur, son confesseur qui paradoxalement demande qu'elle soit soumise à la sainte médication de la torture ; Jean d'Estivet, « lumière de la Sorbonne » embourbé dans un prurit misogyne qui assimile la féminité à la démonologie. Tout le procès n'est que mise en scène, montage, devant aboutir à la décision déjà prise en amont : la jeune femme doit mourir — si possible en bonne santé.

III. Nouveau procès, nouvelle fiction
25 ans après son exécution, s'ouvre un second procès. Le procès en révision, et c'est une nouvelle fiction ! Il s'agit, pour Mgr Jean Bréhal, le nouveau grand Inquisiteur au service du Pape, à la demande du roi de France qui entre-temps a regagné la Normandie, de briser les décisions prises un quart de siècle plus tôt. Il s'agit donc de remplacer une fiction par une autre permettant au pouvoir politique de s'exercer en toute sainteté. Car il ne sera pas dit que Charles VII fut couronné par une succube fille de Belzébuth… Bréhal affronte les décisions de l’Evêque de Beauvais et ruine une à une ses accusations, anéantissant les prétendues charges d’hérésie qui motivèrent la peine capitale. Une fiction en annule une autre, mais la condamnée évidemment, ne ressuscite pas. À moins que par sa condamnation elle n'ait gagné l'éternité, accédant à une suridéalisation de son « moi » : sublime ressource pour les siècles futurs en quête de figure emblématique récupérable.
Ce procès en révision fit l'objet, à l'époque, d'une campagne médiatique : il fallait que l'imaginaire collectif y participe, renoue avec le mythe, et que l'Eglise, compromise par le verdict du premier procès regagne en béatitude et autorité. Bréhal organise cette fiction politique et convoque un à un tous les protagonistes du procès de 1431 encore en vie. L’on croit assister, avant la lettre, à une sorte de Procès de Nuremberg ! Les langues se délient, d’autant que Charles VII, ayant repris la Normandie aux Anglais, obtenu la conciliation des Bourguignons et la reddition de Paris, vient de prononcer une amnistie générale s’étendant à tous ceux qui s’étaient compromis pendant « l’Occupation ».
Le greffier Manchon apporte à l’Inquisiteur l’un des cinq exemplaires des manuscrits des « Minutes » qu’il réalisa à partir de ses propres relevés. Précieux grimoire ayant traversé les siècles ! Le document, après avoir connu bien des péripéties, se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque de l’Assemblée Nationale, au Palais-Bourbon. L’inquisiteur Bréhal, décidé à abattre l’autorité du verdict de 1431, interroge les anciens assesseurs de Cauchon. Les uns se défilent, les autres reconnaissent l’illégalité du procès tout en s’excusant de n’avoir été point responsables de sa tenue. Enfin, s’adressant aux anciens compagnons d’armes de la Pucelle qu’il invite à déposer, il retrouve Jean d’Aulon, l'écuyer de Jehanne et futur capinaine de Carpentras, qui, depuis leur rencontre à Vaucouleurs, la seconda jour et nuit durant son aventure. C'est par lui que nous parviennent les observations les plus fines sur la personnalité de Jehanne. Toutes ces données, fondées sur des sources irréfutables, ont permis aux historiens de restituer la saga johannique, du moins dans la chronologie des faits matériels. Et pourtant l’énigme demeure !

IV. Du besoin de créer de la « réalité augmentée »
Les pièces de ces procès (condamnation et révision) sont d'extraordinaires dossiers d'anthologie. Des documents aisés, en apparence, à exploiter pour concevoir une fictionnalisation. On sait tout de cette femme ! Nul besoin de rien inventer ! Son histoire est somme toute assez simple. Fallait-il que l'imaginaire y ajoutât un supplément de merveilleux ? Où se termine sa réalité ? Où commence la fiction ? S'agit-il de ré-écrire le réel ? D'obtenir une réplique conforme à la réalité ? Bien au contraire, l'écriture d'une fiction propose de saisir la réalité par le langage — image ou parole — la parole étant à elle-même une retranscription du réel, donc une fictionnalisation du monde. Finallement, « n'est réelle que la créature » et tout compte rendu est déjà fiction.

Moi, je suis un auteur dramatique, je ne suis pas un spécialiste du Droit. Je ne suis pas un historien. Mais en tant qu'auteur de fictions, je donne corps à des personnages, je leur donne voix. Mon texte est ensuite confié à des comédiens qui leur prêtent existence. C'est une « sacrée » responsabilité, que faire « jouer » à quelqu'un la personnalité d'un autre. Alors pensez, une personnalité comme elle ! Il faut commencer par bien connaître l'histoire, mais aussi le personnage. Il faut faire sa connaissance… Et là se pose la question de la pertinence historique. Car en apparence, on sait tout sur elle. On sait qu'elle buvait du vin coupé avec de l'eau, qu'elle possédait dix chevaux, qu'elle menait grand train de vie, qu'elle avait une tache sur l'oreille… Et pourtant, que sait-on jamais de l'âme d'une personne ?
Comment écrire, de nos jours, une fictionnalisation… d'un procès ? Et de quel droit ? C'est une question que tout auteur devrait se poser : de quel droit puis-je m'emparer de tel sujet et le verser dans la fiction ? Peut-être dans cette affaire faut-il demander la permission… à la première touchée ? Si elle a entendu des « voix», il se pourrait bien que par delà les siècles, elle me « parle » à son tour ? Pourrait-elle, par delà les siècles m'autoriser à parler d'elle ? L'esprit rationnel haussera les épaules à une telle question… tandis qu'un artiste sensible se la posera. L'auteur fictionniste sait bien que le temps de la fiction n'abolit pas celui de l'Histoire.

Retour sur les documents historiques. Je les ai littéralement épluchées, ces fameuses Minutes. J’ai tenté de saisir les personnalités, essayé de comprendre leurs motivations, les enjeux personnels, collectifs. Mais rapidement, je me suis heurté, comme tout historien, au mur infranchissable que dresse l’appréhension rationnelle. J’en étais pour mes frais : les documents originaux se taisent sur l’essentiel. À moins que d’un regard dessillé je parvienne à lire entre les lignes, en me méfiant des œillères que nous impose notre formation intellectuelle ?
Question de méthodologie ? Exit la pliure ratiocinante, me dis-je ! Je devais plonger dans le passé, lire ces chroniques, mais sans surimposer à l'histoire la vision conditionnée de notre actualité ou l’amidonnage policé de nos croyances actuelles : combien l'approche linéariste pèche-t-elle par son dogmatisme !
J'ai opté pour une approche toute différente : j'ai laissé vivre Jehanne en moi.
— Fais-moi une place dans ton cœur, lui dis-je, et dis-moi qui tu es.
Qu’avait-elle à me dire ? L’étrange alchimie s’est opérée. Page après page, les fameuses Minutes ont commencé à libérer leur secret : je l'ai soudain sentie respirer, comme une âme-sœur qui volontiers me découvrait son âme. J’ai entendu sa voix, décidée mais douce, non exactement autoritaire mais ferme, cette voix récusant l’accusatoire et devenant, en moi, la voix intérieure guidant ma compréhension du phénomène johannique. Le dialogue personnel avec elle était possible ! Bravant les six siècles séparant nos époques, mon présent pouvait rencontrer le sien, son temps jamais aboli dès lors que je me situais dans la sphère de l’esprit.

V. La colère des historiens et le besoin de rédemption des fictionnistes
Les historiens sont en colère contre la sur-fictionnalisation dont fait l'objet le personnage. Elle était petite et brune. On la voit grande et blonde. Que faire ? Que les artistes s'en emparent, soit. Chacun a le droit d'inventer sa Pucelle. À chaque époque, sa Jehanne d'Arc ! Celle de Michelet, celle de Quichérat. Autant de statues sur les places publiques, autant de films ! Dès son invention, le cinéma — l'art de faire du faux avec du vrai, dira Paul Valéry — s'empare de Jeanne d'Arc. Voici celle de Dreyer, passionnée, muette. Celle d'Otto Preminger, réaliste. Celle de Rossellini aux appels métaphysiques poignants. Celle encore de Luc Besson, violemment terrienne, mais dont le regard porte haut dans le ciel, donnant raison à Marcel Proust qui écrivait que « l'œil est une machine à explorer le temps — le télescope de l'Invisible ». La générosité des interprétations témoigne de la vigueur inaltérable de la thématique johannique. Le personnage appartient à l'histoire universelle. Mais faut-il pour autant accepter que l'histoire vraie, telle qu'elle est objectivement déposée, subisse des déformations transformant la réalité ? Quel est ce désir irrépressible de réécrire l'histoire, comme si les faits, réels, étaient en soi inadmissibles et devaient être corrigés a postériori ?
C'est ainsi que naissent de fausses légendes qui finissent par l'emporter sur l'histoire réelle ! Vrai ou fausse Jehanne est un film inspiré d’une étude de Marcel Gay et Roger Senzig. Ce film, diffusé plusieurs fois sur Arte, a eu un impact considérable. Il présente d’une part la thèse selon laquelle Jehanne d’Arc serait la demi-sœur du roi Charles VII, d’autre part, qu’elle aurait réussi à s’échapper des geôles de la prison de Rouen, bénéficiant au dernier instant, avant de monter sur le bûcher, d’une substitution. L'historien Olivier Bouzy s'acharne à démontrer qu'il ne s'agit là que d'une fantaisie, mais rien n'y fait1. La fiction l'emporte, fruit d’une imagination adossée à une manipulation des données objectives. J'ai discuté avec l'historien et lui ai dit qu'au fond, à l’origine de l’artifice fictionnel, se trouve une volonté sincère, naïve, de briser les chaînes entravant le corps de la Pucelle. De modifier son destin : une forme de besoin rédemptionnel dans l'esprit des auteurs ? Rendre plus merveilleux encore son destin ? À moins que les thèses « batardisantes » — demie-sœur batarde du roi — et « survivistes »2 répondent d'une volonté inconsciente ou délibérée fondée sur un négationisme féroce. Faire de Jehanne la proche parente du roi situe la jeune femme dans un rapport social des plus ordinaires. Elle n'aurait somme toute que rencontré son quasi égal, lui parlant à tu et à toi, de sœur à frère appartenant à la même caste dominante. Une manière bien calculée par les fictionnistes de nier en elle la récipiendaire illuminée d'une révélation divine qui précisément venait briser l'ordre des hiérarchies établies. De même la fiction défendue mordicus par toute une école de pseudos-historiens voulant qu'elle ait réussi à s'échapper juste avant la mise à feu… s'échappant du supplice pour rencontrer l'homme de sa vie et mener avec lui une existence de petite bourgeoise. On verse là dans une petitesse d'âme qui satisfait à la vulgarité. Une violence odieuse faite à la vérité. Fallait-il « sauver » Jehanne de son bûcher quand cette fin tragique la projette justement dans la sphère du matyrat d'une libération métaphysique ? Quand là, dans les flammes, se concentrait la consumation apothéotique de son destin ? Fallait-il la priver de cette ultime délivrance pour la verser dans le petit roman sentimental à l'eau de rose ? La mort sur le bûcher offre à nos yeux à la Pucelle d'Orléans l'extase libératoire permettant aux siècles futurs de vibrer pour cet engagement total de l'être au service d'une mission dont elle avait entendu les termes dans les voix. Elle rejoint en ce sens les grandes figures prophétiques de la saga biblique, Abraham, Moïse, aussi grands auditeurs de voix célestes s'impliquant corps et âme dans l'accomplissement de leur mandat.
Fut-elle victime d'hallucinations acoustiques ? La raison ratiocinante a soumis son cas à l'expertise médicale, et certains spécialistes de l'âme ont estimé qu'elle pouvait souffrir d'une tuberculose chronique. Soyons plus modestes car nous n'y étions pas et nous n'avons pas ausculté la patiente dont il ne semble pas qu'elle se soit jamais plainte d'essoufflement. Ce rationalisme qui cherche à tout prix incurver dans ses forges la perception de l'histoire finit par être lassant. Car enfin, l'approche des historiens non plus ne saurait déterminer, moins encore détenir « la » vérité. L'Histoire, en tant que science humaine, malgré ses outils de prospection, reste démunie. Elle ne parvient pas à établir l'énoncé exact des choses, ni le vrai savoir et sa signification. L’Histoire, en réalité, n’achève de s’éclairer qu’à la lumière de… la révélation du sens des événements. Et comment la produire, cette révélation ?
Le processus créatif de la fictionnalisation n'est-il pas l'une des étapes menant progressivement au dégagement du sens ? Ne s'agit-il pas de « libérer » le réalité de son apparence lourde afin de laisser s'exprimer le message symbolique qui s'écrit en elle ? Le propre de la fiction n'est-il pas de redonner à voir, à entendre et rendre disponible à l'esprit le sens des événements dont nous n'avons pas sû interpréter le signifié ? Réalité et fiction appellent à une exégèse qui décrypterait le sens de toutes choses, dans un langage audible et compréhensible qui serait le langage même de la vie.
Dès lors, peut-on réduire Jehanne d'Arc à ce que l'on croit savoir d'elle par les documents ? Nos habitudes mentales, conditionnées par le dressage rationalistico-linéaire, nous font croire que le « sens de l’histoire » s’écrirait exclusivement par la dramaturgie événementielle. Mais qu’y a-t-il derrière l’évidence lourde d’un événement ? Il existe d’autres principes appelant une autre temporisation : un autre temps que celui de l’histoire positive impose sa trame, c’est le temps cyclique3. Une notion du temps que les philosophies en vogue ne résolvent pas. Et pour cause : l'Histoire scientifique implique une forme de pensée qui se limite au phénomène4. Dans cette perspective, l’Histoire ne peut se contenter d’être une archéologie rétrospective. Elle doit nécessairement adopter une technique qui permette une lecture du réel où l’émergence des instants décisifs du passé éclaire notre présent. L’Histoire doit comprendre le Temps, affronter sa valeur métaphysique. Un mot qui fait frémir. La perception qu'en ont les artistes, loin de dévoyer la vérité, aide à mieux la comprendre et telle scène imaginée par un auteur pourrait fort bien éclairer la réalité mieux qu'une synthèse établie sur la froideur des documents.

VI. Le rapt politique par la fictionnalisation du réel
Pour l’historien, le temps passé est révolu et ne survit que par ses traces, celles des faits recensés. Mais la réalité n’est-elle faite que de matière ? Le Temps se laisse-t-il trancher en lamelles de dissection ? Il forme un tissu vivant, composé d’instants émergeants. Le Temps n’est pas une durée, écrit Louis Massignon, mais une constellation d’instants reliés entre eux5. C’est cette constellation qui nous intéresse, en ce qu’elle tisse la trame de nos existences, reliées à celles de nos ancêtres, tirant des lignes de force entre présent et passé, projetant au loin ses tentacules vers l’avenir : à l’Histoire, science du temps linéaire, il conviendrait alors de substituer l’Histoire, science de l’Instant. L’instant étant le point d’émergence de la volonté vivante où se coagule l’événement.
Le temps johannique se construit sur cette dynamique : Jehanne d’Arc est une fulgurance qui ne dure que trois ans dans la longue histoire de France. Mais elle pèse d’un poids considérable depuis 600 ans, étant une condensation intense de volonté, une nécessité alimentant le corps vivant que constitue le territoire sur lequel son épopée a imprimé la thématique libératoire. Elle l’a inscrite dans l’histoire collective de la nation, mais également dans le cœur de chaque français — par-delà leurs origines — dont aucun ne se résout jamais à vivre soumis. Six siècles plus tard, elle demeure, selon les sondages, l’une des personnalités les plus appréciées des Français. D’où tirerait-elle sa popularité jamais démentie au cours des siècles, si ce n’est de sa survie culturelle, liée à une chaîne de transmission mémorielle, temporelle, qui s’est imposée au-delà la brièveté de son action ? Il existe en effet des lignes qui jettent loin devant elles les pages du futur…
Jehanne fut une actrice décisive, agissant en un temps précis pour la survie d’une nation. Elle devint rapidement, de son vivant, une héroïne presque abstraite, symbole d’un idéal de liberté. Son personnage se détache ainsi de l’histoire positive, s’imposant en icône transhistorique, appartenant à l’imaginaire collectif. À la fiction collective.
Dès lors faut-il s'étonner qu’en France, la candidate à l’élection présidentielle de 2012, désignée par le parti nationaliste, se soit adossée passionnément à Jehanne d’Arc ? Certes, le recours au personnage historique symbolisant le martyrat est une thématique classique de l'Extrême Droite qui vise à doter sa « tribu » d'un emblême de reconnaissance, comme si Jeanne d'Arc était une enseigne de type ethnique. Une mystification totale. Mais il y a autre chose : l’énergie johannique déferle et irrigue l'imaginaire français depuis six siècles. La politicienne, assez habile, de chevaucher la thématique et de s’appuyer sur la donne transhistorique de la Pucelle d’Orléans qui précisément émerge depuis 2012, date anniversaire de sa naissance. L'intérêt de l'analogie subliminale n'a pas échappé à la fine dialecticienne qui s'alimente, par une sorte d'adduction énergétique, à l'inépuisable source johannique. La politicienne sait que l'inconscient ne connaît pas le temps, aussi son parti travaille-t-il sans relâche à la re-fictionnalisation de la figure historique en lui prêtant des colorations nationalistes.
Le recours à la fiction comme outil de création mythologique et de communication politique vise à exploiter la mémoire transgénérationnelle de la Libératrice pour nourrir l'ambition du pouvoir personnel. Mais il s'agit aussi, pour les politiques, de combler l'indigence intellectuelle de leurs programmes qui ne jurent que par des raisonnements fondés sur la pensée matérialiste. Ils sont tous adoubés par la "Molinera" — la mauvaise lumière d'en face", mais très peu par la "Tolosa", "Asolot", dispensatrice des émanations célestes. Chercheraient-ils, au travers de Jeanne d'Arc, une sorte de gratification ou de garantie métaphysique ?
L'impact de ce procédé où le symbole intervient comme acteur politique, où la fiction génère de la « réalité augmentée » est calculé avec précision. Car toute information, qu'elle soit vraie ou fausse, partielle ou déformée, tend à générer une réalité. Le rapt judicieusement organisé utilise la force du symbolisme, en réécrit le sens, et le projette sur l'écran de l'inconscient. D'où, chaque année, à Paris, la fête de ce parti politique devant la statue dorée de la Pucelle d'Orléans dont il cherche à obtenir le parrainage. La classe politique, ignorante de la manipulation en cours et incapable de l'imaginer, a abandonné à ce parti politique la propriété de l'icône. (note)

Conclusion : fictionnalisation, étape dans le processus créatif
C'est pour contrecarrer ce rapt que j'ai, en tant qu'auteur dramatique, écrit le livre et la série radiophonique Jehanne la Délivrance. Une série en 25 épisodes qui retrace l'épopée et l'intégralité des procès d'inquisition. La radio m'a semblé le média idéal, car elle permet un renforcement de l'imaginaire en ce qu'elle ne fait appel qu'à des images sonores. Le réalisme de la perception visuelle n'est pas sollicité, mais uniquement la force du verbe, créateur en soi d'information.
L'idée est de restituer un personnage tel qu'il émane des comptes rendus de l'époque — on la voit vivre, on la sent proche, elle est femme, vivante, forte de caractère, mais aussi très coquette, aimant les beaux vêtements et les beaux chevaux. L'idée est de la « dégager » de la prison où l'idéologie l'a enfermée. « Il faudra qu'un jour je sois délivrée », dit-elle le 1er mars 1432 lors d'un interrogatoire. Qui sait si les nombreuses fictionalisations dont elle a fait l'objet ne sont pas autant de tentatives d'évasion organisées par les artistes cherchant à sauver en elle l'humanité, condamnée au bûcher par les systèmes politiques ?
J'ai écrit ma série, convaincu que toute information donnée tend à créer de la réalité, à l'image du processus biologique où l'ADN se transforme inévitablement, par différents intermédiaires de transfert (ARN), jusqu'à générer la protéine. Je crois que la fiction, dès lors qu'elle est créée, (ce qui est en soi un paradoxe) participe d'un processus réaliste aboutissant à l'œuvre, à l'histoire en train de s'écrire et se faire. La réalité ne cesse point de se réaliser. En tant qu'auteur, je participe à la phénoménologie du réel.
Qu'est ce que la vérité ? La vérité n’est ni une théorie, ni un système philosophique spéculatif, ni une vision intellectuelle. La vérité est le visage même de la réalité écrit le sage Indien Paramahansa Yogananda.
La fictionnalisation est une étape dans le processus de la création. Donc une étape dans la quête de la vérité. En l'occurrence, je considère que ma fictionnalisation du procès de Jehanne d'Arc est un acte politique agissant dans le réel. Mieux qu'une dénonciation, il s'agit par cette fiction de réaliser la libération d'une icône, la redonner au Temps non figé, donc à l'inconscient libre. Pour moi, la parole est l'élément fondateur de la réalité…

(note) : Ce parti politique a renoncé à sa manifestation johannique annuelle à Paris, deux jours après que ces lignes furent écrites. Le pouvoir du Verbe serait-il à l'action ? Jehanne aurait-elle repris en main sa propre histoire ?

Note : Emmanuel Macron a bien compris l'enjeu. A-t-il lu mon livre publié en 2014 et notamment la page 94 où j'évoque la nécessaire "métaphysique de la politique", et qu'il conviendrait de libérer Jeanne d'Arc des geôles du F.N. . Le discours de M. Macron, à Orléans le 7 mai 2016 va exactement dans ce sens et lui aura porté chance : s'étant abouché à l'énergie johannique, il a remporté les élections présidentielles un an plus tard, jour pour jour. Calcul initiatique, beau pari… Je ne regrette qu'une chose, c'est qu'il n'ait pas cité le livre lui ayant inspiré cette action.

Jehanne la Délivrance. Aux éditions Peleman




Bibliographie :
D. Aubier, Don Quichotte prophète d'Israël, éd. R. Laffont 1967, éd. Ivréa 2013.
D. Aubier, Don Quichotte, la révélation…, éd. MLL 1999.
Benoît XVI, Foi chrétienne hier et aujourd'hui, éd. du Cerf 2009.
O. Bouzy, Jehanne, l'histoire à l'endroit, éd CLD 2008.
M. Cervantès Saavedra, Don Quichotte, Trad. Louis Viardot, éd. Garnier.
H. Corbin, Temps cyclique et Gnose ismaélienne, éd. Berg 1985.
A. France, Vie de Jehanne d’Arc, 2 tomes, éd. Calman-Lévi 1966.
Manchon et Boisguillaume : Minutes du procès de Jehanne d’Arc, Rouen 1431. Bibliothèque de l'Assemblée Nationale, Paris.
L. Massignon, Parole Donnée, éd. Juliard 1964.
H. Quichérat, Procès de Jehanne d'Arc dite la Pucelle de condamnation et de réhabilitation, éd. Jules Renouard, Paris 1841.
P. Valéry, Regards sur le monde actuel, éd. Gallimard 1945.


Filmographie :
L. Besson, L’histoire de Jehanne d’Arc, the Messenger, Gaumont, 1999.
R. Bresson, Procès de Jehanne d’Arc DVD MK2 / INA, 1962.
C. Duguay, Jehanne d’Arc Kobafilms, 2008.
Meissonnier, Vraie ou fausse Jehanne, Arte- Films, 2008.
O. Preminger, Sainte Jeanne, 1957,
R. Rossellini, Giovanna d'Arco al rogo, 1954

dimanche 8 janvier 2017

Joan of Arc, French Pilgrimage-Stay in Monasteries June 8-June 18, 2017

Joan of Arc, ‘A Great Joy!’
French Pilgrimage-Stay in Monasteries
June 8-June 18, 2017

““When I was thirteen, I had a voice from God … the first time, I was very fearful. And came this
voice, about the hour of noon, in the summer-time, in my father’s garden … I heard the voice on the right-
hand side towards the church; and rarely do I hear it without a great light…He told me that I, Jeanne,
should come into France… And when I have made my prayer to God, I hear a voice that says to me:
‘Daughter of God, go, go, go! I shall be with you to help you. Go!’ and when I hear that voice I feel a
great joy. Indeed, I would that I might ever be in that state.” Joan of Arc, Trial of Condemnation

Joan of Arc 
‘A Great Joy’ French Pilgrimage 
Stay in Monasteries
June 8-June 18, 2017

DESTINATIONS: Bauffremont, le Bec Hellouin monastery,
Bermont, la Chapelle de Beauregard, Chartres, Domrémy-la-
Pucelle, Fort des Tourelles site, Jargeau, Maxey-sur-Meuse,
Orléans, le Pont Boieldieu, Reims, Rouen, Saint-Benoit-sur-Loire
monastery, Saint Thierry monastery, Vaucouleurs, Vouthon-Bas

God willing, in June 2017 we will again lead a pilgrimage to France, with
the spirituality and footsteps of Joan of Arc foremost in our plans. This will be our
eleventh opportunity for taking a group on this fascinating journey. Our travel
philosophy remains the same, one of going back to the essentials, of simplicity, of
quality time in some places instead of 'rush-rush' in many. Although we will indeed
see much, we want to experience the places we visit more as spiritual travelers than
as consumers; to first see them through the eyes of believers and/or seekers, and
secondly from such perspectives as historical, architectural, sociological, touristic,
etc. Consequently, we will again purposely remain a small group. 
Before going to the itinerary, let’s take a quick glance at Joan of Arc. Did
you know … 
 
- At 17 years old, she remains the youngest supreme military commander in
history, male or female. Louis Kossuth says: “Consider this unique and imposing
distinction. Since the writing of human history began, Joan of Arc is the only
person, of either sex, who has ever held supreme command of the military forces of
a nation at the age of seventeen.” Mr. Kossuth (1802-1894) was Regent-President of Hungary
in 1849. He was widely honored during his lifetime, including in the United Kingdom and the United
States, as a freedom fighter and bellwether of democracy in Europe.
- Those who knew her from childhood frequently described her as “…simple and
good, frequenting the Church and Holy places.” And they left us many specific
examples of her life while growing up in Domremy. For example: “Often, when
she was in the fields and heard the bells ring, she would drop to her knees.”
Dominique Jean Waterin, laborer of Greux, Trial of Nullification, 1456
- She is the most attested person in history up to the 16th century. As Sir Arthur
Conan Doyle (author of Sherlock Holmes) states, “…next to the Christ, the highest  spiritual being of whom we have any exact record upon this earth is the girl
Jeanne.” 
- Even at the stake, she was heard asking for the forgiveness of those who were
executing her (reminiscent of Jesus), as well as for her own sins: “She also most
humbly begged all manner of people, of whatever condition or rank they might be,
and whether of her party or not, for their pardon and asked them kindly to pray for
her, at the same time pardoning them for any harm they had done her. This she
continued to do for a very long time, perhaps for half an hour and until the end.
The judges who were present, and even several of the English, were moved by this
to great tears and weeping, and indeed several of these same English, recognized
God's hand and made professions of faith when they saw her make so remarkable
an end.” Jean Massieu, Trial of Nullification, 1456
- Her very specific and consistently fulfilled prophecies were famous even in her
own time. “I told them things that have happened, and things that shall happen
yet.” Joan of Arc, Trial of Condemnation, March 3, 1431 Mark Twain said, “… There have
been many uninspired prophets, but she was the only one who ever ventured the
daring detail of naming, along with a foretold event, the event’s precise nature, the
special time-limit within which it would occur, and the place―and scored
fulfillment.” Mark Twain, Joan of Arc-An Essay, 1896 Jeane Dixon was one of the best-
known American astrologers and psychics of the 20th century. However her 50%
success rate of fulfilled prophecy pales when compared with Joan’s 100%.
- She has many parallels and similarities with the saints/prophets of the Bible. 
- The church burned her at the stake as a witch on May 30, 1431. Then, officially
recognizing their mistake nearly 500 years later, she was canonized a saint on
May16, 1920. She is now France's Patron saint and her legacy to both France and
the world run deep. 

“Across the night of history's blackest pages,
One name is scrolled as by a shaft of sun: 
Joan of Arc, the glory of the ages,
Who battled hate, and lost-
And losing, won.”
Albert Bigelow Paine

How did this seventeen-year-old illiterate French peasant girl save France
from English domination? After all, as you might imagine, women’s rights were
not exactly in the forefront during the 15th century. For Joan, the answer was
always simple: God. Listen to her words to the King the first time they met,
“Gentle dauphin, I am Joan the maid, and the King of Heaven commands that
through me you be anointed and crowned in the city of Reims as a lieutenant of the  King of Heaven, who is King of France ….’” During her Trial of Condemnation,
she testified that He frequently sent His messengers to help her, and only through
Him was she able to do all she did. 
Could this be true? After examining all the records available, we believe the
best and most logical explanation behind Joan of Arc’s amazing feats and life is as
she always said: God. God’s help was given to her in abundance. And through this,
France was saved…
 
Itinerary
 
Each day we will gather for some combination of the following:
prayers/meditation, info on activities of the day, addressing questions, Question du
Jour discussions... This time shared together has been a highlight for many who
have come with us. Having said that…
 
June 8-10, 2017, Rouen: We will all meet at Charles de Gaulle airport in Paris on
Thursday, June 8, 2016, at 11:00am. This has worked very well for past
pilgrimages. This way, those just arriving from the states will not have to go into
Paris in order to link up with the pilgrimage. Also, as some people have expressed
a desire to be able to use their frequent flyer miles, and/or be more flexible before
or after the pilgrimage, we've found that it is better that everyone make their own
flight arrangements. Consequently the price has been reduced accordingly to take
this aspect into consideration.
 We will again use a ‘flashback’ approach with our travels. From death to
life. We will begin at the end: Rouen where Joan was burned at the stake. And then
we’ll work our way backwards in time. We’ve tried a few different ways of doing
the pilgrimage, and are now most pleased with this approach. Consequently, upon
departure from the airport, we will immediately go to Joan’s final earthly resting
place: Rouen.

Upon our arrival at Rouen, we will go to our resting place for two evenings:
the Benedictine monastery of Le Bec Hellouin (founded in 1034) located just
outside of the village of the same name, recently voted one of the "most beautiful
villages of France".  
And this is one of the most beautiful monasteries in France. Located outside
of the city of Rouen, in France’s bucolic countryside, it provides a restful and
relaxing environment, especially for those who've just arrived from a long flight.
You may attend a service of the Benedictine brothers here if you like. Services
lasts from 15 minutes up to an hour, and you can choose the one that suits you best.
Of course, we have other things planned also, so you will need to set your
priorities. By the end of the pilgrimage, you will have experienced three different
spiritual communities. They are all very different, but each one is dynamic and
joyful in its own way.


Entrance tower to Le Bec Hellouin monastery

We’ll spend most of the next day in Rouen. To steer us along on this part of
the pilgrimage, we are fortunate to have one of the best professional guides we’ve
seen: Jacqueline Prevost. She is a great admirer and student of Joan of Arc, a
lifelong resident of Rouen, and speaks good English. She will accompany us to
l'Eglise Sainte Ouen (where her adjuration took place), la Place du Vieux Marche
(where she was burned at the stake), and the Saint Joan of Arc Church (l’Eglise
Sainte Jeanne d'Arc) that was built there in her honor. And we’ve added another
noteworthy stop: L’Historial Jeanne d’Arc. 
This brand new, state-of-the-art interactive museum just opened in March,
2015. It is housed in the Palais de l’Archevêche, where Joan’s actual trials took
place. A massive construction project has restored this heritage-listed building to
its former glory, carefully preserving historic details like the Roman crypt (the
oldest part of the building), the soaring gothic archways, and the 15th century
kitchens with original fireplace.

Some of the restful grounds of Le Bec Hellouin monastery.

On a behind-the-scenes tour of the travaux last fall, France Today was
impressed by the painstaking work of the artisanal craftsmen. To install the
heating, individual tiles were carefully removed from the floors, and then replaced
in the exact order. And the views from the grenier (the attic), over the Rouen
rooftops, are mesmerizing.
The museum’s scenography is enhanced by cutting-edge technology,
lighting, and well-done, short films examining Joan’s life. It is quite impressive,
and presents Joan’s story from a historical point of view, following the trial
transcripts and using state of the art multimedia presentation tools. It sheds light on
every aspect of Joan of Arc: her real life, the political and religious context, the
historiography, and the idea of story-telling itself. L’Historial Jeanne d’Arc
provided an excellent introduction to Joan’s story, and especially the trial in
Rouen. 
After this, we will proceed to the old market place where Joan was burned at
the stake. This old city square is very evocative, and it’s not difficult to imagine
even today what Joan suffered there.

It is fitting that we’ll end this day at le Pont Boieldieu, where after the stake
her remains were tossed from this bridge into the Seine River on May 31, 1431.
However, they could not destroy her heart. Neither literally, nor figuratively. Once
dead, the executioner was asked to destroy every part of her body that might
remain. To his great surprise, he found Joan's heart still intact, and filled with
liquid blood. During the Trial of Nullification, Friar Isambart testified to what the
executioner revealed to him about this: “...despite the oil, the sulfur, and the carbon
that he had applied to the entrails and the heart of Joan, he still could not make
them burn in any way, nor could he reduce her entrails and her heart to ashes, at
which he was as astonished as if by a confirmed miracle.” 

The head priest of l’Eglise Sainte Jeanne d'Arc, Pere Potel, is a delight, and
speaks fluent English, having lived in the states for 2 years. We will have him with
us for dinner at the monastery this evening, where he’ll gladly answer any
questions you may have.




                        St Ouen, Rouen-where Joan’s adjuration took place.

June 10-13, 2017, ‘Base Orléans’, via Chartres. Leaving Rouen we will head
towards Orléans, scene of Joan’s history-changing battle. But on the way, we'll
make one important stop: the famous cathedral of Chartres. Since it lies directly on
our way, we cannot in good conscience pass it by. It is certainly one of the most
beautiful cathedrals in France, known the world over for its exceptional blue
stained glass windows. The majority of these stained glass windows are the
originals from the 13th-14th centuries. It is a miracle that they survived World War
II. Joan of Arc’s mother, Isabelle Romée (1377–1458) would have seen these very
windows while there. The architecture has seen only minor changes since the early
13th century. All in all, it is in an exceptional state of preservation, is considered
one of the finest examples of French Gothic architecture and is a UNESCO World
Heritage Site.
BTW, something has been going on there that is definitely worth
mentioning. That is the dramatic changes coming from the restoration of the
Cathedral. Of all the French cathedrals, Chartres is no doubt one whose original
décor, be it the sculptures or stained-glass windows, is the best preserved. Less
known, however, is that 80% of the 13th century plaster has survived under the
built-up dirt and successive centuries of paint. The restoration that had been so
badly needed for such a long time, was begun in 2009, and is practically finished
today. The goal was to simply recover the monument’s initial look without redoing
anything, simply cleaning it, a very high tech and complicated process. The result
is frankly amazing. 
The stained-glass windows, having also been under restoration at the same
time, are even more luminous in these new surroundings. The color of the walls
thus changes from a blackish hue to a beautiful ochre shade with white fake
grouting, the architectural ribbing also covered in white, while the keystones are
polychromatic (the date of these colors is not known but it has been carefully
preserved).Two gaps have been left in place as proofs showing the extent of the
difference. 
Since at least the 12th century the cathedral has been an important
destination for travelers – and remains so to this day, attracting large numbers of
Christian pilgrims, many who come to venerate its famous relic, the Sancta
Camisa, said to be the tunic worn by the Virgin Mary at Christ's birth. And large
numbers of secular tourists also come to admire the cathedral's architecture and
historical merit. 


Chartres Cathedral.


After our visit at Chartres, we will continue to Orléans, where in a nearby
small town, we'll check in to our home for the next 3 days: the world-renowned
Benedictine monastery St-Benoit-sur-Loire. It is located on the Loire River, and
will be a welcome respite from the 'big city' of Orléans. 


           The ancient Benedictine Monastery of St-Benoit-sur-Loire
            (i.e St. Benedict on the Loire River)

This still active monastery was founded around 630 AD, and is one of the
oldest abbeys of the Benedictine rule. Saint Benedict (c. 480 – 547AD) is honored
by the Catholic Church and the Anglican Church as the patron saint of all of
Europe and students. His remains are housed in this monastery to this day. 
Much history has been recorded at St. Benoit. Joan of Arc and the French
Revolution both passed through here, but their visits could not have been more
different. Charles VII, accompanied by Joan while on the way to Reims for his
anointing and coronation, came peacefully through on June 21-22, 1429. The
French Revolutionaries of the 18th century, on the other hand, passed through St
Benoit pillaging and destroying. 
Today a community of approximately 40 monks resides within its walls.
They still follow the Rule of St Benedict, and may be singing Gregorian chants or
the Psalms during services, but in any case, you’re invited to sing along if you like.
You may participate in prayer services with them if you like. There are 6
different services each day, some very short (as short as 15 minutes), and also
longer ones (as long as 75 minutes). 


Benedictine monks singing Psalms during a short service at St-Benoit-sur-Loire

 The rooms at St. Benoit are very nice, providing all the necessary essentials,
but as with all monasteries, purposely simple. We won't be surrounded by material
luxury, but rather the luxury of things we may have forgotten. Such as simplicity,
peaceful surroundings, some silence … And their wonderful eleventh century
abbey church, built in the Romanesque style, is always just steps away.  
While in Orleans we will take some of our meals here. The food will be
simple, healthy and tasty; French style.


Heading to the Loire River, ten minutes from St Benoit monastery.

             St Benoit will mark the half-way point of the pilgrimage, and although
we’ll be busy, St Benoit provides the perfect place for a little down time. There’ll
be some to relax and enjoy the small town atmosphere and take a river walk …  

BTW, if you speak some French, your experience in France will of course
take on an added dimension. However if you don't, this is not a problem. Most
people who have come with us don't speak any French at all. We will be translating
for most tours, activities etc. (FYI-Catherine is French, and Chris is American, and
we both speak French and English fluently).
 
Day-trip destinations while in Orleans include:
 
-the great Cathédrale Sainte-Croix d'Orléans (i.e. Cathedral of the Holy
Cross of Orleans). Immediately after the battle of Orleans was over, Joan went here
to give thanks to God for His great victory over the English. Dominique is the
assistant of the priest here, and she has been very kind in giving us a private tour of
the Cathedral. She has sent her assistant to take us up to the roofs, and then to the
very foundations of the Cathedral. These are things that most people never get a
chance to see. After Sunday Mass here, we will have lunch with Dominique and
some of the parishioners. 

 
Cathédrale Sainte-Croix d'Orléans
 
-Site of Les Tourelles-the main fortress protecting the English in 1429 was
called Les Tourelles. This is gone now, but we’ll go to the river to see where it
once stood. It’s not difficult to imagine what once was from this viewpoint. This is
another interesting and appreciative site we’ve added to the pilgrimage recently.
 
 -the Château de Sully-sur-Loire is a fairy-tale like castle. Joan spent a couple
of months here prior to being captured. Weather and circumstances permitting, we
will have a French picnic lunch on the Loire River, overlooking this beautiful
castle. It's truly a site to behold. You’ll also be able to explore the castle on your
own. Once we arrive in Domremy, you will meet the Prince and Princess of
Bauffremont, whose family owned this castle for many years. They remember
going there during the summers to play. Not your typical ‘Romper Room’.

Picnic area at Sully-sur-Loire


-Jargeau is a small town on the southern bank of the Loire, about ten miles east of
Orléans. The Battle of Jargeau took place on June 11-12, 1429. It was Joan’s first
offensive battle, and was the first sustained French offensive in a generation. Le
Duc d’Alencon, Joan’s friend and a commanding officer said, “Joan breathed the
will of God into French troops, ensuring them their victory, saying, ‘Act, and God
will act!’ … a stone hit her on the head here (it split in two against her helmet as
she climbed a scaling ladder), causing her to fall, but driven on by her
determination she got up and exhorted her companions forward … the French
(then) took Jargeau, and set off in pursuit of the running English.” The English
suffered heavy losses.


Along the lovely and historic Loire Rive

          D’Alencon also made some other interesting comments about this battle,
including this one revealing Joan’s gift of prophecy: “During the assault on the
town of Jargeau, Joan said to me at a moment when I stood in a certain spot, that I
should withdraw from that spot and that if I did not withdraw, ‘that machine…’
pointing out to me a war machine which was in the town, ‘will kill you’. I withdrew
and just a little time thereafter, at that very spot where I had been someone was
killed. His name was my Lord de Lude. Realizing all that, a great fear came over
me and I was amazed at Joan’s words, and all these events that came about.”  
 
June 13-16, 2017, 'Base Domrémy-la-Pucelle': There are some great reasons to
spend time in Joan of Arc’s birthplace, Domrémy-la-Pucelle (meaning Domremy
the Maid). For one, it is located in a rural and beautiful part of France. This area is
a good example of 'la France profonde'. This means 'the deep France', i.e. the
lovely pastoral countryside that few tourists ever see, much less experience. Also,
Domrémy-la-Pucelle is a wonderful place to search for both Joan’s roots and her
spirituality. As you might imagine, there is a wealth of Joan of Arc experts living
in this area. In the past, they have been very generous to us with their time,
expertise and warm hospitality. We will take advantage of this again in 2017. 


From the small village of Domremy: 
in the distance is the Basilica dedicated to Joan of Arc. 
Just a couple of kilometers from Joan’s home town of Domremy-la-Pucelle 
(i.e. Domremy the Maid)

We’ll have a guided visit of Joan of Arc's house. We'll also spend some time
at the Basilica dedicated to her, the Fairy Tree location (the tree is no longer there,
being cut down in the 17th century) and the "Fountain of the Fevers", where Joan
stated she often heard her "voices". A small fountain still flows there, and is to this
day very calming and pastoral. 


18

(Above) Across the valley we see the Joan’s Basilica, just outside of Domremy.


At the location of the Fairy Tree and the "Fountain of the Fevers"

You’ll also have some time to explore on your own and visit her childhood
church St. Remy, where she stated St. Margaret appeared to her. It still serves as
the village church to this day.

We have rented gites here (i.e. fully furnished houses). Actually, there are
only three gites located in Domrémy itself, and we have rented them all. They are
on the grounds of a large two-story house that was built by Napoléon III for one of
his mistresses in 1860. These gites are very nice, with lovely large gardens in the
back yard. It is a two-minute walk from there to Joan's house. They have fully
furnished kitchens, microwaves, TVs, DVD players, washing machines…it will be
a place where you can relax and feel at home. In general, gites provide a marked
improvement over a hotel.
A little about French food is in order here. The French are of course known
for their excellent food and wine. And for good reason. Charles de Gaulle said,
"How can you govern a country with 365 different kinds of cheese?" However…
when you eat a "real" French lunch or dinner in a restaurant, you must count on
being there 2-3 hours. It's a nice way to relax, eat well and enjoy each other's
company. 
            However, ATTENTION! (WATCH OUT!) If you have two full meals in a
restaurant per day, and a petit dejeuner (breakfast), your day will be reduced by

some 4-6 hours just sitting in a restaurant. There are too many other interesting and
important things to take advantage of in France besides just the food experience.
 That's where the traitteur comes in. When there are interesting activities
coming up, and time is of the essence, then we will take advantage of a traitteur
(kind of a French delicatessen who specializes in daily fresh dishes... often very
good!). We've already prepared menus with these specialists for times such as
these. This way, we believe we will have the best of both worlds: good fresh
French food, and the flexibility of eating at home, perhaps a picnic, etc. BTW,
unlike the vast majority of tours, most of the meals (i.e. 82% of all meals) are
covered in the price.
            Included in our day trips from Domrémy are: la Chapelle de Notre-Dame de
Beauregard, Maxey-sur-Meuse, Vaucouleurs, la Chapelle de Bermont, Vouthon-
Bas and Bauffremont. Just a word on each of these destinations:
 

Vaucouleurs-After first convincing the Captain of Vaucouleurs that she was God-
sent, Joan was sent from this small town to see Charles VII, the legitimate king.
We will have a good guide here, one very knowledgeable about Vaucouleurs' Joan
of Arc history. Among other things, we'll visit la Porte de France through which
Joan left on her way to see the King, and the chapel where Joan was often praying
(we even know exactly where she was kneeling).

La Chapelle de Bermont-Joan often went to this simple chapel for prayer. It is still
located in the woods, close to Domrémy. Bermont provides a lovely, quiet,
countryside atmosphere. Mr. Olivier is the President of the Association of Bermont.
He will be there to greet us and explain (we'll be translating) the fascinating story
of Bermont, and the images they have recently uncovered there. These images have
been dated to shortly after the death of Joan and the belief is (for very good
reasons, we think) that these are actually drawings of Joan of Arc by those who
knew her at that time: the monks of the Chapelle de Bermont.



While at Reims, our place of rest will be the beautiful Benedictine
monastery, Les Benedictines de St-Thierry. It is located in the countryside, in the
middle of Champagne country, just outside the city of Reims (Rheims in English).
It is a very relaxing environment. Monks or nuns have lived in this peaceful place
since the 6th century. The sisters’ gardens (they grow their own fruit and flowers)
overlook the surrounding vineyards and countryside, extending all the way to city
of Reims and its famous cathedral, some eight kilometers away. Beautiful! 
The Benedictine Sisters are a very hospitable community. They will serve us
our meals while in Reims (the food is simple here, healthy and typically French).
For those interested, you may attend some of the Sisters’ prayer services, and/or
hear their soothing singing, in their 12th century chapel. Also for those interested,
we will be meeting with one of the sisters, who will talk a little about their
community life of prayer, hospitality and work, and answer any questions you may
have. 
   
Chris Snidow
9320 Biscayne Blvd.
Dallas, TX 75218 USA

mardi 30 août 2016

Le Procès de Jeanne d'Arc et sa récupération politique. De Marine Le Pen à Emmanuel Macron…

La fictionnalisation du procès de Jehanne d'Arc
et sa récupération politique.
Conférence de Dominique Blumenstihl-Roth
(Auteur de Jehanne la Délivrance, éd. Peleman, 2013)

Conférence dans le cadre du colloque
"DISCOURS, RECITS ET REPRESENTATIONS :  
CHRONIQUE JUDICIAIRE ET FICTIONNALISATION DU PROCES"
10 et 11 mars 2016, Toulouse (France)
Médiathèque José Cabanis, Grand auditorium 1, allée Jacques Chaban-Delmas
BP 55 858, 31506 Toulouse CEDEX 5 Tél : 05 62 27 40 00


Mesdames et messieurs,

Je vous remercie de votre accueil et je remercie les organisateurs de ce colloque d'avoir bien voulu m'inviter à partager avec vous une brève allocution sur le procès de Jeanne d'Arc. Étant dans l'impossibilité matérielle de faire le voyage jusqu'à vous, je remercie très chaleureusement Madame Emeline Jouve d'avoir accepté lire mon texte en mon absence.
 Avant tout, je voudrais exprimer ma joie d'être à Toulouse — du moins en esprit —, car mon père a longtemps vécu dans cette ville, il était artiste-peintre et son nom était René Labiste, peut-être certains d'entre vous l'ont connu… Une seconde raison, plus littéraire me lie à Toulouse, je suis en effet un grand "Quichottiste", un lecteur de Don Quichotte. Et comme vous le savez, ce livre a été crypté par Cervantès. C'est un ouvrage où tous les noms propres des personnages et des lieux sont audibles à la fois en castillan et en hébreu ou araméen. C'est une découverte qui a été faite il y a une trentaine d'années par l'écrivain Madame Dominique Aubier, spécialiste de Don Quichotte.
Tout au début du roman, Don Quichotte veut avant tout être adoubé chevalier, il se rend à l'auberge où il rencontre deux jeunes femmes — des filles de joie. Il leur demande de le sacrer chevalier. La première s'appelle "la Molinéra", ce qui s'entend en hébreu "la moul-ner-ra", autrement dit : "la mauvaise lumière d'en face". Don Quichotte veut être sacré chevalier par les forces matérielles, les éléments pragmatiques du réel que représente la meunière. Ensuite il se tourne vers l'autre femme, elle s'appelle "la Tolosa", c'est-à-dire "la Toulouse". Comme elle est en face de l'autre, il faut lire son nom au miroir et inverser le sens et cela donne "asolot", ce qui donne en hébreu le mot qui désigne "les émanations", c'est-à-dire les émanations célestes qui tombent en pluie sur la terre et sur les êtres. Don Quichotte devient donc chevalier, adoublé par deux principes opposés, par l'archétype de la Dualité, de la Gauche et de la Droite.
C'est donc un grand honneur que d'être ici — à distance mais avec vous de tout cœur, au travers de la voix d'Emeline — dans la ville rose qui porte le nom "Asolot - atzilout" et de pouvoir y parler de Jeanne d'Arc qui, à n'en pas douter, était directement sous l'influence de ces émanations célestes. Ce qu'on lui a beaucoup reproché.

I. Le procès de 1431 : une fiction politico-religieuse
De son vivant, au XVème siècle, Jehanne d'Arc était déjà un personnage de légende. Le mythe s'en était emparé, colporté par les moines mendiants, faisant d'elle un être de fiction. À la seule invocation de son nom, explique Anatole France, une sorte de terreur gagnait le camp adverse : il s'agissait pour les Anglais non plus d'affronter une guerrière mais sa fictionnalisation. L'historien pense que cette dimension a été soigneusement calculée, en son temps, par le conseil royal de Charles VII.
Lorsqu'elle fut arrêtée à Compiègne par le Duc du Luxembourg, rapidement, Pierre Cauchon, l'évêque de Beauvais, entreprit d'en obtenir la garde afin de pouvoir instruire un procès qui théoriquement n'aurait jamais dû se trouver sous sa responsabilité. Tordant à sa guise les procédures, exerçant son influence politique sous menace d'excommunication, il obtient que la présumée coupable soit incarcérée à Rouen, capitale de la Normandie anglaise. Commence un long procès de vingt cinq semaines.
C'est grâce aux « Minutes » du procès de 1431 que les historiens ont pu sonder la réalité du personnage et dégager la fiction du fantasme. Ces originaux, miraculeusement préservés de l’outrage du temps, rédigés par les méticuleux juristes du Moyen-Âge, fournissent à l’enquête les principales pièces à conviction. En effet, tout au long du procès, exclusivement à charge et sans avocat, les interrogateurs cherchèrent à obtenir les éléments biographiques pouvant la compromettre. C’est ainsi que les données personnelles de Jehanne sont essentiellement communiquées de sa propre bouche, paroles dûment collationnées, enregistrées sous le sceau de l’authenticité par les préposés au Tribunal.
Nous savons tout sur elle. Jusqu'aux détails les plus intimes. Aussi, écrit l’historien Quichérat, n’est-il pas de femme dans l’histoire de France dont l’existence n’ait été si bien scrutée, ni passée au filtre de l’instruction la plus pointilleuse. Il en ressort avant tout un témoignage déconcertant : celui de la première concernée. Sous les tirs croisés des procureurs, elle dévoile de sa vie ce qui lui paraît dicible, sans fausse pudeur. Ce qui se donne tout au long de ses dépositions, ce n’est donc point une relation vue ou entendue de l’extérieur, une narration transposée à la troisième personne, propos rapportés qui feraient la gloire d’un roman. C’est le portrait même de Jehanne, par elle-même.
Extraordinaire document de travail directement exploitable par des professionnels de la fictionnalisation moderne ! Les répliques, dans ce procès, dont certaines fort célèbres, ne sont pas œuvre d'invention mais « enregistrées » dans le vif de la discussion opposant la Pucelle d'Orléans à ses contradicteurs !

Les péripéties de sa fulgurante épopée sont examinées, égrenées par les enquêteurs, et souvent corrigées par l'accusée qui tient à ce que l’exactitude de sa vie ne tombe dans l’apocryphe. Les lettres écrites, les ordres donnés, les paroles prononcées : elle se souvient de tout. Sa mémoire rigoureuse étonnera les greffiers dont elle reprendra certaines notes en leur signalant leurs erreurs. Son élocution remarquable, pure de toute flagornerie, n’est qu’affirmation du vrai. Appuyée sur une forte présence d’esprit et un contrôle précis de sa sémantique, chacune de ses répliques fait des ravages dans le conformisme social et religieux qui prétend la juger : sa stratégie de défense s’inscrit en rupture avec la chorégraphie politico-religieuse de l'époque. Quel dialoguiste ingénieux aurait jamais conçu un échange entre l'interrogateur, Jean Beaupère et la prévenue ?

Beaupère
La voix à laquelle vous demandez conseil a-t-elle un visage et des yeux ?
Jehanne
Les gens sont pendus quelquefois pour avoir dit la vérité…
Beaupère
Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu ?
Jehanne
Si je n’y suis, qu'Il m’y mette; et si j’y suis, qu'Il m’y tienne !

La fictionnalisation, quant à elle, ne peut que reconstruire une approche de la réalité. Tenter de saisir les personnages, capter la puissance de leur être, cerner une époque à laquelle pourtant nous ne pourrons jamais adhérer pleinement.
Le procès d'Inquisition est ici un procès en sorcellerie. Une fiction en soi, pour nos mentalités modernes. Mais une réalité absolue pour les esprits du XVème siècle dont il n'est pas aisé de comprendre les ressorts intellectuels emprunts de craintes métaphysiques et de superstitions. Il s'agissait d'établir l'identité de la jeune femme. Est-elle une envoyée céleste ou une fille de Satan ? Le débat prêterait à sourire de nos jours, d'autant que le principal reproche qu'on lui fit fut d'avoir porter le pantalon en montant à cheval. Détail dont l'actualité paraît toujours de mise dans certains pays…

II Procès et sur-fictionnalisation du réel.
Tout au long du procès, face aux embuscades, aux pièges, aux exténuantes séances de questionnements, la jeune femme marque une résistance intellectuelle supposant un grand équilibre nerveux. Qui, confronté à la violence de l’appareil policier, réussit à maintenir son unité d’esprit ? Il suffit de lire ses réponses. Elles témoignent d’un admirable contrôle de soi. Dirions-nous, aujourd’hui, que la Pucelle était une experte du langage ? L’immédiateté de ses réflexes mentaux est foudroyante. Un sémiologue averti de notre siècle parviendrait-il à décoder les sous-entendus, les implications, le réseau des non-dits des démoniaques interrogatoires ?
Les personnages gravitant autour du procès sont inénarrables. Un régal pour tout auteur de fiction ! Pierre Cauchon, le saint évêque dont on sait par le témoignage des greffiers qu'il fit percer un trou dans la muraille pour lorgner la jeune femme ; Jean Lemaître, l'interrogateur qui finit par prendre la fuite devant les incertitudes soulevées ; Loyseleur, son confesseur qui paradoxalement demande qu'elle soit soumise à la sainte médication de la torture ; Jean d'Estivet, « lumière de la Sorbonne » embourbé dans un prurit misogyne qui assimile la féminité à la démonologie. Tout le procès n'est que mise en scène, montage, devant aboutir à la décision déjà prise en amont : la jeune femme doit mourir — si possible en bonne santé.

III Nouveau procès. Nouvelle fiction
25 ans après son exécution, s'ouvre un second procès. Le procès en révision, et c'est une nouvelle fiction ! Il s'agit, pour Mgr Jean Bréhal, le nouveau grand Inquisiteur au service du Pape, à la demande du roi de France qui entre-temps a regagné la Normandie, de briser les décisions prises un quart de siècle plus tôt. Il s'agit donc de remplacer une fiction par une autre permettant au pouvoir politique de s'exercer en toute sainteté. Car il ne sera pas dit que Charles VII fut couronné par une succube fille de Belzébuth… Bréhal affronte les décisions de l’Evêque de Beauvais et ruine une à une ses accusations, anéantissant les prétendues charges d’hérésie qui motivèrent la peine capitale. Une fiction en annule une autre, mais la condamnée évidemment, ne ressuscite pas. À moins que par sa condamnation elle n'ait gagné l'éternité, accédant à une suridéalisation de son « moi » : sublime ressource pour les siècles futurs en quête de figure emblématique récupérable.
Ce procès en révision fit l'objet, à l'époque, d'une campagne médiatique : il fallait que l'imaginaire collectif y participe, renoue avec le mythe, et que l'Eglise, compromise par le verdict du premier procès regagne en béatitude et autorité. Bréhal organise cette fiction politique et convoque un à un tous les protagonistes du procès de 1431 encore en vie. L’on croit assister, avant la lettre, à une sorte de Procès de Nuremberg ! Les langues se délient, d’autant que Charles VII, ayant repris la Normandie aux Anglais, obtenu la conciliation des Bourguignons et la reddition de Paris, vient de prononcer une amnistie générale s’étendant à tous ceux qui s’étaient compromis pendant « l’Occupation ».
Le greffier Manchon apporte à l’Inquisiteur l’un des cinq exemplaires des manuscrits des « Minutes » qu’il réalisa à partir de ses propres relevés. Précieux grimoire ayant traversé les siècles ! Le document, après avoir connu bien des péripéties, se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque de l’Assemblée Nationale, au Palais-Bourbon. L’inquisiteur Bréhal, décidé à abattre l’autorité du verdict de 1431, interroge les anciens assesseurs de Cauchon. Les uns se défilent, les autres reconnaissent l’illégalité du procès tout en s’excusant de n’avoir été point responsables de sa tenue. Enfin, s’adressant aux anciens compagnons d’armes de la Pucelle qu’il invite à déposer, il retrouve Jean d’Aulon, l'écuyer de Jehanne et futur capinaine de Carpentras, qui, depuis leur rencontre à Vaucouleurs, la seconda jour et nuit durant son aventure. C'est par lui que nous parviennent les observations les plus fines sur la personnalité de Jehanne. Toutes ces données, fondées sur des sources irréfutables, ont permis aux historiens de restituer la saga johannique, du moins dans la chronologie des faits matériels. Et pourtant l’énigme demeure !

IV. Du besoin de créer de la « réalité augmentée »
Les pièces de ces procès (condamnation et révision) sont d'extraordinaires dossiers d'anthologie. Des documents aisés, en apparence, à exploiter pour concevoir une fictionnalisation. On sait tout de cette femme ! Nul besoin de rien inventer ! Son histoire est somme toute assez simple. Fallait-il que l'imaginaire y ajoutât un supplément de merveilleux ? Où se termine sa réalité ? Où commence la fiction ? S'agit-il de ré-écrire le réel ? D'obtenir une réplique conforme à la réalité ? Bien au contraire, l'écriture d'une fiction propose de saisir la réalité par le langage — image ou parole — la parole étant à elle-même une retranscription du réel, donc une fictionnalisation du monde. Finallement, « n'est réelle que la créature » et tout compte rendu est déjà fiction.

Moi, je suis un auteur dramatique, je ne suis pas un spécialiste du Droit. Je ne suis pas un historien. Mais en tant qu'auteur de fictions, je donne corps à des personnages, je leur donne voix. Mon texte est ensuite confié à des comédiens qui leur prêtent existence. C'est une « sacrée » responsabilité, que faire « jouer » à quelqu'un la personnalité d'un autre. Alors pensez, une personnalité comme elle ! Il faut commencer par bien connaître l'histoire, mais aussi le personnage. Il faut faire sa connaissance… Et là se pose la question de la pertinence historique. Car en apparence, on sait tout sur elle. On sait qu'elle buvait du vin coupé avec de l'eau, qu'elle possédait dix chevaux, qu'elle menait grand train de vie, qu'elle avait une tache sur l'oreille… Et pourtant, que sait-on jamais de l'âme d'une personne ?
Comment écrire, de nos jours, une fictionnalisation… d'un procès ? Et de quel droit ? C'est une question que tout auteur devrait se poser : de quel droit puis-je m'emparer de tel sujet et le verser dans la fiction ? Peut-être dans cette affaire faut-il demander la permission… à la première touchée ? Si elle a entendu des « voix», il se pourrait bien que par delà les siècles, elle me « parle » à son tour ? Pourrait-elle, par delà les siècles m'autoriser à parler d'elle ? L'esprit rationnel haussera les épaules à une telle question… tandis qu'un artiste sensible se la posera. L'auteur fictionniste sait bien que le temps de la fiction n'abolit pas celui de l'Histoire.

Retour sur les documents historiques. Je les ai littéralement épluchées, ces fameuses Minutes. J’ai tenté de saisir les personnalités, essayé de comprendre leurs motivations, les enjeux personnels, collectifs. Mais rapidement, je me suis heurté, comme tout historien, au mur infranchissable que dresse l’appréhension rationnelle. J’en étais pour mes frais : les documents originaux se taisent sur l’essentiel. À moins que d’un regard dessillé je parvienne à lire entre les lignes, en me méfiant des œillères que nous impose notre formation intellectuelle ?
Question de méthodologie ? Exit la pliure ratiocinante, me dis-je ! Je devais plonger dans le passé, lire ces chroniques, mais sans surimposer à l'histoire la vision conditionnée de notre actualité ou l’amidonnage policé de nos croyances actuelles : combien l'approche linéariste pèche-t-elle par son dogmatisme !
J'ai opté pour une approche toute différente : j'ai laissé vivre Jehanne en moi.
— Fais-moi une place dans ton cœur, lui dis-je, et dis-moi qui tu es.
Qu’avait-elle à me dire ? L’étrange alchimie s’est opérée. Page après page, les fameuses Minutes ont commencé à libérer leur secret : je l'ai soudain sentie respirer, comme une âme-sœur qui volontiers me découvrait son âme. J’ai entendu sa voix, décidée mais douce, non exactement autoritaire mais ferme, cette voix récusant l’accusatoire et devenant, en moi, la voix intérieure guidant ma compréhension du phénomène johannique. Le dialogue personnel avec elle était possible ! Bravant les six siècles séparant nos époques, mon présent pouvait rencontrer le sien, son temps jamais aboli dès lors que je me situais dans la sphère de l’esprit.

V. La colère des historiens et le besoin de rédemption des fictionnistes
Les historiens sont en colère contre la sur-fictionnalisation dont fait l'objet le personnage. Elle était petite et brune. On la voit grande et blonde. Que faire ? Que les artistes s'en emparent, soit. Chacun a le droit d'inventer sa Pucelle. À chaque époque, sa Jehanne d'Arc ! Celle de Michelet, celle de Quichérat. Autant de statues sur les places publiques, autant de films ! Dès son invention, le cinéma — l'art de faire du faux avec du vrai, dira Paul Valéry — s'empare de Jeanne d'Arc. Voici celle de Dreyer, passionnée, muette. Celle d'Otto Preminger, réaliste. Celle de Rossellini aux appels métaphysiques poignants. Celle encore de Luc Besson, violemment terrienne, mais dont le regard porte haut dans le ciel, donnant raison à Marcel Proust qui écrivait que « l'œil est une machine à explorer le temps — le télescope de l'Invisible ». La générosité des interprétations témoigne de la vigueur inaltérable de la thématique johannique. Le personnage appartient à l'histoire universelle. Mais faut-il pour autant accepter que l'histoire vraie, telle qu'elle est objectivement déposée, subisse des déformations transformant la réalité ? Quel est ce désir irrépressible de réécrire l'histoire, comme si les faits, réels, étaient en soi inadmissibles et devaient être corrigés a postériori ?
C'est ainsi que naissent de fausses légendes qui finissent par l'emporter sur l'histoire réelle ! Vrai ou fausse Jehanne est un film inspiré d’une étude de Marcel Gay et Roger Senzig. Ce film, diffusé plusieurs fois sur Arte, a eu un impact considérable. Il présente d’une part la thèse selon laquelle Jehanne d’Arc serait la demi-sœur du roi Charles VII, d’autre part, qu’elle aurait réussi à s’échapper des geôles de la prison de Rouen, bénéficiant au dernier instant, avant de monter sur le bûcher, d’une substitution. L'historien Olivier Bouzy s'acharne à démontrer qu'il ne s'agit là que d'une fantaisie, mais rien n'y fait1. La fiction l'emporte, fruit d’une imagination adossée à une manipulation des données objectives. J'ai discuté avec l'historien et lui ai dit qu'au fond, à l’origine de l’artifice fictionnel, se trouve une volonté sincère, naïve, de briser les chaînes entravant le corps de la Pucelle. De modifier son destin : une forme de besoin rédemptionnel dans l'esprit des auteurs ? Rendre plus merveilleux encore son destin ? À moins que les thèses « batardisantes » — demie-sœur batarde du roi — et « survivistes »2 répondent d'une volonté inconsciente ou délibérée fondée sur un négationisme féroce. Faire de Jehanne la proche parente du roi situe la jeune femme dans un rapport social des plus ordinaires. Elle n'aurait somme toute que rencontré son quasi égal, lui parlant à tu et à toi, de sœur à frère appartenant à la même caste dominante. Une manière bien calculée par les fictionnistes de nier en elle la récipiendaire illuminée d'une révélation divine qui précisément venait briser l'ordre des hiérarchies établies. De même la fiction défendue mordicus par toute une école de pseudos-historiens voulant qu'elle ait réussi à s'échapper juste avant la mise à feu… s'échappant du supplice pour rencontrer l'homme de sa vie et mener avec lui une existence de petite bourgeoise. On verse là dans une petitesse d'âme qui satisfait à la vulgarité. Une violence odieuse faite à la vérité. Fallait-il « sauver » Jehanne de son bûcher quand cette fin tragique la projette justement dans la sphère du matyrat d'une libération métaphysique ? Quand là, dans les flammes, se concentrait la consumation apothéotique de son destin ? Fallait-il la priver de cette ultime délivrance pour la verser dans le petit roman sentimental à l'eau de rose ? La mort sur le bûcher offre à nos yeux à la Pucelle d'Orléans l'extase libératoire permettant aux siècles futurs de vibrer pour cet engagement total de l'être au service d'une mission dont elle avait entendu les termes dans les voix. Elle rejoint en ce sens les grandes figures prophétiques de la saga biblique, Abraham, Moïse, aussi grands auditeurs de voix célestes s'impliquant corps et âme dans l'accomplissement de leur mandat.
Fut-elle victime d'hallucinations acoustiques ? La raison ratiocinante a soumis son cas à l'expertise médicale, et certains spécialistes de l'âme ont estimé qu'elle pouvait souffrir d'une tuberculose chronique. Soyons plus modestes car nous n'y étions pas et nous n'avons pas ausculté la patiente dont il ne semble pas qu'elle se soit jamais plainte d'essoufflement. Ce rationalisme qui cherche à tout prix incurver dans ses forges la perception de l'histoire finit par être lassant. Car enfin, l'approche des historiens non plus ne saurait déterminer, moins encore détenir « la » vérité. L'Histoire, en tant que science humaine, malgré ses outils de prospection, reste démunie. Elle ne parvient pas à établir l'énoncé exact des choses, ni le vrai savoir et sa signification. L’Histoire, en réalité, n’achève de s’éclairer qu’à la lumière de… la révélation du sens des événements. Et comment la produire, cette révélation ?
Le processus créatif de la fictionnalisation n'est-il pas l'une des étapes menant progressivement au dégagement du sens ? Ne s'agit-il pas de « libérer » le réalité de son apparence lourde afin de laisser s'exprimer le message symbolique qui s'écrit en elle ? Le propre de la fiction n'est-il pas de redonner à voir, à entendre et rendre disponible à l'esprit le sens des événements dont nous n'avons pas sû interpréter le signifié ? Réalité et fiction appellent à une exégèse qui décrypterait le sens de toutes choses, dans un langage audible et compréhensible qui serait le langage même de la vie.
Dès lors, peut-on réduire Jehanne d'Arc à ce que l'on croit savoir d'elle par les documents ? Nos habitudes mentales, conditionnées par le dressage rationalistico-linéaire, nous font croire que le « sens de l’histoire » s’écrirait exclusivement par la dramaturgie événementielle. Mais qu’y a-t-il derrière l’évidence lourde d’un événement ? Il existe d’autres principes appelant une autre temporisation : un autre temps que celui de l’histoire positive impose sa trame, c’est le temps cyclique3. Une notion du temps que les philosophies en vogue ne résolvent pas. Et pour cause : l'Histoire scientifique implique une forme de pensée qui se limite au phénomène4. Dans cette perspective, l’Histoire ne peut se contenter d’être une archéologie rétrospective. Elle doit nécessairement adopter une technique qui permette une lecture du réel où l’émergence des instants décisifs du passé éclaire notre présent. L’Histoire doit comprendre le Temps, affronter sa valeur métaphysique. Un mot qui fait frémir. La perception qu'en ont les artistes, loin de dévoyer la vérité, aide à mieux la comprendre et telle scène imaginée par un auteur pourrait fort bien éclairer la réalité mieux qu'une synthèse établie sur la froideur des documents.

VI. Le rapt politique par la fictionnalisation du réel
Pour l’historien, le temps passé est révolu et ne survit que par ses traces, celles des faits recensés. Mais la réalité n’est-elle faite que de matière ? Le Temps se laisse-t-il trancher en lamelles de dissection ? Il forme un tissu vivant, composé d’instants émergeants. Le Temps n’est pas une durée, écrit Louis Massignon, mais une constellation d’instants reliés entre eux5.  C’est cette constellation qui nous intéresse, en ce qu’elle tisse la trame de nos existences, reliées à celles de nos ancêtres, tirant des lignes de force entre présent et passé, projetant au loin ses tentacules vers l’avenir : à l’Histoire, science du temps linéaire, il conviendrait alors de substituer l’Histoire, science de l’Instant. L’instant étant le point d’émergence de la volonté vivante où se coagule l’événement.
Le temps johannique se construit sur cette dynamique : Jehanne d’Arc est une fulgurance qui ne dure que trois ans dans la longue histoire de France. Mais elle pèse d’un poids considérable depuis 600 ans, étant une condensation intense de volonté, une nécessité alimentant le corps vivant que constitue le territoire sur lequel son épopée a imprimé la thématique libératoire. Elle l’a inscrite dans l’histoire collective de la nation, mais également dans le cœur de chaque français — par-delà leurs origines — dont aucun ne se résout jamais à vivre soumis. Six siècles plus tard, elle demeure, selon les sondages, l’une des personnalités les plus appréciées des Français. D’où tirerait-elle sa popularité jamais démentie au cours des siècles, si ce n’est de sa survie culturelle, liée à une chaîne de transmission mémorielle, temporelle, qui s’est imposée au-delà la brièveté de son action ? Il existe en effet des lignes qui jettent loin devant elles les pages du futur…
Jehanne fut une actrice décisive, agissant en un temps précis pour la survie d’une nation. Elle devint rapidement, de son vivant, une héroïne presque abstraite, symbole d’un idéal de liberté. Son personnage se détache ainsi de l’histoire positive, s’imposant en icône transhistorique, appartenant à l’imaginaire collectif. À la fiction collective.
Dès lors faut-il s'étonner qu’en France, la candidate à l’élection présidentielle de 2012, désignée par le parti nationaliste, se soit adossée passionnément à Jehanne d’Arc ? Certes, le recours au personnage historique symbolisant le martyrat est une thématique classique de l'Extrême Droite qui vise à doter sa « tribu » d'un emblême de reconnaissance, comme si Jeanne d'Arc était une enseigne de type ethnique. Une mystification totale. Mais il y a autre chose : l’énergie johannique déferle et irrigue l'imaginaire français depuis six siècles. La politicienne, assez habile, de chevaucher la thématique et de s’appuyer sur la donne transhistorique de la Pucelle d’Orléans qui précisément émerge depuis 2012, date anniversaire de sa naissance. L'intérêt de l'analogie subliminale n'a pas échappé à la fine dialecticienne qui s'alimente, par une sorte d'adduction énergétique, à l'inépuisable source johannique. La politicienne sait que l'inconscient ne connaît pas le temps, aussi son parti travaille-t-il sans relâche à la re-fictionnalisation de la figure historique en lui prêtant des colorations nationalistes.
Le recours à la fiction comme outil de création mythologique et de communication politique vise à exploiter la mémoire transgénérationnelle de la Libératrice pour nourrir l'ambition du pouvoir personnel. Mais il s'agit aussi, pour les politiques, de combler l'indigence intellectuelle de leurs programmes qui ne jurent que par des raisonnements fondés sur la pensée matérialiste. Ils sont tous adoubés par la "Molinera" — la mauvaise lumière d'en face", mais très peu par la "Tolosa", "Asolot", dispensatrice des émanations célestes. Chercheraient-ils, au travers de Jeanne d'Arc, une sorte de gratification ou de garantie métaphysique ?
L'impact de ce procédé où le symbole intervient comme acteur politique, où la fiction génère de la « réalité augmentée » est calculé avec précision. Car toute information, qu'elle soit vraie ou fausse, partielle ou déformée, tend à générer une réalité. Le rapt judicieusement organisé utilise la force du symbolisme, en réécrit le sens, et le projette sur l'écran de l'inconscient. D'où, chaque année, à Paris, la fête de ce parti politique devant la statue dorée de la Pucelle d'Orléans dont il cherche à obtenir le parrainage. La classe politique, ignorante de la manipulation en cours et incapable de l'imaginer, a abandonné à ce parti politique la propriété de l'icône. (note)

Conclusion : fictionnalisation, étape dans le processus créatif
C'est pour contrecarrer ce rapt que j'ai, en tant qu'auteur dramatique, écrit le livre et la série radiophonique Jehanne la Délivrance. Une série en 25 épisodes qui retrace l'épopée et l'intégralité des procès d'inquisition. La radio m'a semblé le média idéal, car elle permet un renforcement de l'imaginaire en ce qu'elle ne fait appel qu'à des images  sonores. Le réalisme de la perception visuelle n'est pas sollicité, mais uniquement la force du verbe, créateur en soi d'information.
L'idée est de restituer un personnage tel qu'il émane des comptes rendus de l'époque — on la voit vivre, on la sent proche, elle est femme, vivante, forte de caractère, mais aussi très coquette, aimant les beaux vêtements et les beaux chevaux. L'idée est de la « dégager » de la prison où l'idéologie l'a enfermée. « Il faudra qu'un jour je sois délivrée », dit-elle le 1er mars 1432 lors d'un interrogatoire. Qui sait si les nombreuses fictionalisations dont elle a fait l'objet ne sont pas autant de tentatives d'évasion organisées par les artistes cherchant à sauver en elle l'humanité, condamnée au bûcher par les systèmes politiques ?
J'ai écrit ma série, convaincu que toute information donnée tend à créer de la réalité, à l'image du processus biologique où l'ADN se transforme inévitablement, par différents intermédiaires de transfert (ARN), jusqu'à générer la protéine. Je crois que la fiction, dès lors qu'elle est créée, (ce qui est en soi un paradoxe) participe d'un processus réaliste aboutissant à l'œuvre, à l'histoire en train de s'écrire et se faire. La réalité ne cesse point de se réaliser. En tant qu'auteur, je participe à la phénoménologie du réel.
Qu'est ce que la vérité ? La vérité n’est ni une théorie, ni un système philosophique spéculatif, ni une vision intellectuelle. La vérité est le visage même de la réalité écrit le sage Indien Paramahansa Yogananda.
La fictionnalisation est une étape dans le processus de la création. Donc une étape dans la quête de la vérité. En l'occurrence, je considère que ma fictionnalisation du procès de Jehanne d'Arc est un acte politique agissant dans le réel. Mieux qu'une dénonciation, il s'agit par cette fiction de réaliser la libération d'une icône, la redonner au Temps non figé, donc à l'inconscient libre. Pour moi, la parole est l'élément fondateur de la réalité… 


(note) : Ce parti politique a renoncé à sa manifestation johannique annuelle à Paris, deux jours après que ces lignes furent écrites. Le pouvoir du Verbe serait-il à l'action ? Jehanne aurait-elle repris en main sa propre histoire ?



Mon livre : Jehanne la Délivrance. Aux éditions Peleman

Bibliographie :
D. Aubier, Don Quichotte prophète d'Israël, éd. R. Laffont 1967, éd. Ivréa 2013. 
D. Aubier, Don Quichotte, la révélation…, éd. MLL 1999. 
Benoît XVI, Foi chrétienne hier et aujourd'hui, éd. du Cerf 2009.
O. Bouzy, Jehanne, l'histoire à l'endroit, éd CLD 2008.
M. Cervantès Saavedra, Don Quichotte, Trad. Louis Viardot, éd. Garnier.
H. Corbin, Temps cyclique et Gnose ismaélienne, éd. Berg 1985.
A. France, Vie de Jehanne d’Arc, 2 tomes, éd. Calman-Lévi 1966.
Manchon et Boisguillaume : Minutes du procès de Jehanne d’Arc, Rouen 1431. Bibliothèque de l'Assemblée Nationale, Paris.
L. Massignon, Parole Donnée, éd. Juliard 1964.
H. Quichérat, Procès de Jehanne d'Arc dite la Pucelle de condamnation et de réhabilitation, éd. Jules Renouard, Paris 1841.
P. Valéry, Regards sur le monde actuel, éd. Gallimard 1945.

Filmographie :
L. Besson, L’histoire de Jehanne d’Arc, the Messenger, Gaumont, 1999.
R. Bresson, Procès de Jehanne d’Arc DVD MK2 / INA, 1962.
C. Duguay, Jehanne d’Arc Kobafilms, 2008.
Meissonnier, Vraie ou fausse Jehanne, Arte- Films, 2008.
O. Preminger, Sainte Jeanne, 1957,
R. Rossellini, Giovanna d'Arco al rogo, 1954